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CHÂTEAU DE CAZENEUVE | Yvette et François PAGET, président de l'ASGVO

Le souvenir de Delphine de Sabran au château royal de Cazeneuve

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Le château de Cazeneuve et ses deux tours encadrant la terrasse. (Photo : François PAGET)

A Préchac, dans le département de la Gironde, nous avons visité durant l’été le château royal de Cazeneuve (1), résidence privilégiée des d’Albret, famille dont les alliances sont prestigieuses et dont est issu Henri IV (1553-1610). Le château, classé monument historique en 1965, est surtout connu comme l’une des demeures de la reine Margot (Marguerite de France ou Marguerite de Valois 1553-1615), assignée ici à résidence par son royal époux, Henri IV, dans l’attente de l’annulation de son mariage, n’ayant pu lui donner d’héritier. Pour nous, c’était aussi un lieu de mémoire évoquant la vie de Delphine de Sabran (1770-1826), future marquise de Custine, et mère d’Astolphe, marquis de Custine (1790-1857) qui habita Saint-Gratien une grande partie de sa vie (2).

L’histoire du domaine débute au XIe siècle avec l’édification d’un château primitif fait de bois et de terre sur un promontoire rocheux adossé au confluent de deux rivières, l’Homburens et le Ciron. Au milieu du XIIIe siècle, il appartient à Amanieu V d’Albret qui, le 14 août 1250, rend hommage pour cette seigneurie à Gaston de Béarn. Deux cents ans plus tard, Amadieu VII d’Albret décide de construire, accolé au château primitif, un important château-enceinte. Celui-ci revient plus tard à Henri III d’Albret, roi de Navarre qui devient Henri IV, roi de France en 1589. Le monarque confie à son meilleur ami et cousin, Raymond de Vicose, la restauration du château que d’aucuns qualifient d’inhabité et d’inhabitable. En ce lieu champêtre, le Vert-Galant s’adonne à la chasse. Il s’intéresse au parc donnant l’ordre d’y planter des pins parasols, symboles du protestantisme, qui continuent de nos jours à se ressemer naturellement. Aujourd’hui, les éléments médiévaux austères et défensifs cohabitent harmonieusement avec le faste et l’allure gracieuse d’un château de plaisance et d’apparat annonçant le siècle des lumières.

Ce domaine de 40 hectares qui appartient donc, depuis le XIIIe siècle, à la famille d’Albret est aujourd’hui la propriété de leurs descendants, la famille des Sabran-Pontevès (3). Ils y sont arrivés avec tous leurs souvenirs en 1835 par le mariage entre Léonide de Sabran-Pontevès (1811-1883) et Adélaïde, Bonne de Pons St Maurice (4). Delphine n'a pas vécu à Cazeneuve.

 

Depuis la route départementale D9, un chemin carrossable nous amène à une ancienne barbacane appelée tour de Lusignan où nous laisserons notre voiture. Ce premier point défensif servait en quelque sorte de « sas » pour pénétrer la vieille ville dont il ne reste aujourd’hui aucune trace. Bien visible au sommet des deux tours du château, des girouettes rappellent les armes des Sabran-Pontevès (5).

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Les armes des Sabran-Pontevès. (Photo : François PAGET)

Avant d’entrer dans le château, le visiteur peut se promener gratuitement dans son grand parc arboré avec un plan d’eau et sa petite ile (photo 1). Après avoir traversé une impressionnante bambouseraie géante (photo 2), ses pas l’amèneront, en suivant le chemin qui borde le Ciron, à la grotte de la Reine Margot (photo 3). La rumeur alentour raconte que celle-ci empruntait le souterrain du château pour s’y rendre afin d’y honorer de joyeux rendez-vous galants.

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Photo 3

(Photos : François PAGET)

De retour à la barbacane, nous parcourons une centaine de mètres pour entrer dans la cour d’honneur du château par un pont à deux arches enjambant des douves sèches.

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La cour intérieure du château de Cazeneuve. (Photo : François PAGET)

La visite guidée (6) débute par la salle d’armes et la galerie du rez-de-chaussée : on y remarque les chaises dites de fumeurs, recouvertes de cuir de Cordoue, d’époque Henri IV. Au 1er étage, dans la galerie, un premier tableau attire notre attention, il s’agit du portrait en pied de Joseph II de Sabran (1702-1775), le père de Delphine.

Cet illustre personnage, lieutenant général des Armées Navales et commandeur de l’ordre de Saint-Louis occupe une belle page dans l’histoire de la marine. Au combat de Santa Maria en 1759 sur les côtes du Portugal, il n’hésita pas, alors qu’il était à court de munition, à charger son dernier canon avec son argenterie personnelle. De retour à Paris, le roi Louis XV le félicita devant toute la cour et le présenta à la reine en disant : Voici l’un de nos cousins, le comte de Sabran, à qui nous avons l’honneur d’appartenir (7).

Le visiteur traverse ensuite plusieurs pièces richement décorées : le salon de la Reine Margot de style Louis XV, la chambre de la Reine, puis celle du Roi Henri IV avec son cabinet de travail accessible par un passage secret. Vient ensuite la chambre de la Comtesse Emmanuel de Sabran-Pontevès (1851-1912), pièce où naquit Charlotte Rose de Caumont La Force (1650-1724) qui devint une romancière historique de grand renom (8).

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Tableau représentant Joseph II de Sabran.

(Source : Château de Cazeneuve)

Mais c’est la chambre Louis XVI, qui retint toute notre attention. Avec sa cheminée de marbre blanc, son lit à baldaquins à la polonaise et sa salle de bains attenante avec baignoire et chauffe-eau en cuivre, nous entrons dans l’intimité de Delphine de Sabran où trône le buste de sa mère : Françoise-Eléonore Dejean de Manville (1749-1827). Non loin de là, une vitrine présente divers objets ayant appartenu à la reine des Roses.

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Autoportrait de Delphine de Custine, s. d., coll. partic.

(Source : www.bridgemanart.com)

Buste de Françoise-Eléonore Dejean de Manville,

mère de Delphine. (Source : Château de Cazeneuve)

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Quelques objets ayant appartenu à Delphine. (Source : Château de Cazeneuve)

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Les cheveux de Delphine de Custine.

(Source : Château de Cazeneuve)

La scène du mariage de Delphine et Armand de Custine.

(Source : Château de Cazeneuve)

A côté de son nécessaire de toilette en faïence, on y découvre, dans un coffret, ses cheveux, coupés après son mariage.

 

Notre guide nous explique qu’enfants, Delphine et son frère Elzéar (1774-1846), jouaient parfois des pièces de théâtre devant le roi Louis XVI et la reine Marie-Antoinette pour les divertir. Un jour, la reine Marie-Antoinette s’amusa tellement qu’après avoir beaucoup ri, elle embrassa le jeune Elzéar. Le lendemain, elle racontait à toute la cour Figurez-vous qu’hier j’ai embrassé un homme. Ce geste amusant et peu protocolaire a fait l’objet de nombreux dessins à l’époque, plus tard l’un d’eux est paru dans le magazine L’Illustration (9).

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La reine donne un baiser au petit Elzéar de Sabran.

(Source : Château de Cazeneuve)

Notre journée s’est poursuivie par la visite libre de la prison et des grandes caves médiévales, vestiges du plus vieux château. Là à côté d’une exposition de cristal et verroteries anciennes, un superbe Bacchus du XIVe siècle surveille des tonneaux dans lesquelles vieillissent de prestigieux vins de Bordeaux. Quelques marches supplémentaires nous entrainent dans une grotte souterraine où s’installa la vie des premiers habitants des lieux.

De retour à l’accueil (l’ancienne boulangerie du château) nous remontons à l’étage de la partie XIIIe du Château pour découvrir plusieurs salles présentant des animaux naturalisés ainsi qu'un film documentaire sur la vallée du Ciron.

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La visite guidée s’est ensuite terminée par un retour au rez-de-chaussée, vers la salle à manger et la cuisine (10).

Dans les caves médiévales

du château.

(Photos : François Paget)

Depuis l’exposition, une petite porte nous ouvre un passage sur le chemin de ronde pour aller découvrir la grande chapelle et à la chambre du Chapelain.

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Vue depuis le chemin de ronde sur la cour d'honneur et la partie XVIIe du château de Cazeneuve.

(Photo : François Paget)

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La chapelle. L'évêque près du chœur représente Louis Hector Honoré Maxime de Sabran (1739-1811),

évêque de Laon qui fut Grand Aumônier de la reine Marie-Antoinette.

(Photo : François Paget)

Au-dessus de l’autel, une peinture représente les saints patrons de la famille : saint Elzéar de Sabran (1285-1323) et son épouse, la bienheureuse Dauphine de Sabran (1283-1360). Le martyrologue romain relate que Delphine et Elzéar avaient fait le vœu de chasteté. Sans que leurs sujets s'en aperçoivent, et sans négliger les obligations mondaines qui étaient celles de leur état de princesse et de comte, ils menèrent ensemble une vie d'austérité et de prière. Devenue veuve, Delphine se retira à la cour de Naples, où elle mena une vie simple et toute donnée à la prière et aux pauvres (11).

Notre journée à Cazeneuve fut, pour nous, des plus profitables, si vous passez un jour entre Landes et Gironde, près de la commune de Préchac, n’hésitez pas à faire un détour pour visiter l’ancienne propriété du Roi de France Henri IV et de la Reine Margot.

Yvette et François PAGET.

(Septembre 2019)

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1. http://www.chateaudecazeneuve.com/

2. Voir François PAGET et André DUCHESNE,  Astolphe de Custine, un hôte illustre de Saint-Gratien,  2016.

3. Le propriétaire actuel du château est le Comte Louis Lussan de Sabran-Pontevès, fils du comte Elzéar de Sabran-Pontevès décédé le 17 avril 2014 (voir https://www.sudouest.fr/2014/04/19/elzear-de-sabran-ponteves-s-est-eteint-1530507-2757.php) et d’Edith de Sabran-Pontevès, née Marmiesse de Lussan.

4. Les Branches Sabran et Sabran-Pontevès : http://jean.gallian.free.fr/comm2/s/sabran2.html - Sabran de Baudinard, choix 5a.

5. https://www.geneanet.org/gallery/?action=detail&desc=sabran_ponteves&id=1234292&rubrique=blasons

6. Les prises de vues à l’intérieur du château sont interdites. La plupart des photos et documents qui suivent m’ont été transmise par le Comte Louis de Sabran-Pontevès que je tiens à remercier chaleureusement.

7. Cette anecdote ainsi que quelques autres reprises dans cet article proviennent d’un livret en vente à l’accueil du château : Edith de SABRAN-PONTEVES, Château royal de Cazeneuve, Éditions Sud-Ouest, 2015.

8. Amie de Perrault et de La Fontaine, Charlotte Rose de Caumont la Force écrivit le conte Persinette, l’une des sources de la version des frères Grimm de Rapunzel (Raiponce), conte auquel les studios Disney ont donné un nouvel éclat par un film d’animation en 2010.

9. L’Illustration, 6 décembre 1924. On retrouve également trace de cette histoire, qui s’est passée chez Marie-Antoinette (mais, sans mention du baiser) dans : Coppet et Weimar: Madame de Staël et la grande-duchesse Louise, Paris, Michel Lévy frères, 1862, p. 94-95, URL = https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5787767n/f127.image.texteImage).

10. De nombreux détails sur les pièces visitées sont disponibles ici : http://association-connaissance-eysines.over-blog.com/2016/04/prechac-samedi-12-mars-2016.html et ici : http://www.vallee-du-ciron.com/Prechac/PrecCazeneuve/PrecCazeneuve.htm

11. Tous les détails de la vie d’Elzéar et Dauphine sont retracés dans un livret en vente à l’accueil du château (Geneviève Duhamelet - Éditions Franciscaines).

Tableau du XVIIIe siècle représentant Saint Elzéar et

Sainte Delphine de Sabran.

(Photo : François Paget)

Les auteurs

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YVETTE et FRANCOIS PAGET
 

Président de l’association Aimons Saint-Gratien en Val-d’Oise depuis 2005, et directeur de publication de la revue Saint-Gratien en V.O., François PAGET s’intéresse au patrimoine de sa commune (Saint-Gratien – 95210) et à la vie de ses illustres habitants dont Nicolas de Catinat, Astolphe de Custine et Mathilde Bonaparte.

Bibliographie : Astolphe de Custine, un hôte illustre de Saint-Gratien (en collaboration avec André Duchesne), 2016; Saint-Gratien au fil du temps, 2018.

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